Bill Gates / Steve Jobs : la rencontre de l’année (3)

Bill (à propos des sociétés du Web) : Il y a toujours plein de choses qui viennent d’autres compagnies, et vous voulez être en position d’en bénéficier ; ces évolutions conduisent les évolutions de Windows et des ordinateurs personnels, et nous voulons jouer un rôle actifs dans ces nouveaux services. Nous allons participer d’une manière plus importante aux outils de recherche qu’auparavant.

Imaginez tout ce que l’on peut faire par exemple dans le monde de l’éducation maintenant que l’on peut gérer des flux en temps réel de vidéo, ce genre de choses. Lorsque nous concevons de nouvelles technologies, le milieu éducatif finit toujours par en bénéficier.

Steve : De notre côté, nous ne cherchons pas à faire tout ça, car nous croyons qu’une seule compagnie ne peut pas tout faire. Nous cherchons à faire des partenariats. Microsoft est peut être bon pour les moteurs de recherche, mais pas nous. Nous préférons donc nous associer plutôt que de nous obstiner à devenir les meilleurs dans le domaine de la recherche.

C’est la même chose pour les gestions de cartes (map) : nous savons comment écrire le meilleur logiciel au monde pour lire les cartes, mais nous ne savons pas gérer la base de données derrière.

Par contre, dans d’autres cas, nous devons faire le travail. A l’époque où nous avons lancé iTunes par exemple, il n’y avait pas à l’époque de logiciel de ce genre de bonne qualité. Nous avons donc dû le faire nous même, même si c’était assez éloigné de notre métier de départ.

Bill : Le grand truc est que nous travaillons par rapport à Internet. Et Internet amène à travailler sur des interactivités extrêmement poussées, les communautés de joueurs sur XBox Live par exemple.

Nous travaillons donc à ce genre d’applications dans le domaine des spectacles, des sports. Mais dans le divertissement pur, nous ne sommes pas dans notre domaine. Nous avons fait le jeu “Halo”, mais nous ne pouvons pas rattraper les 10 ans d’investissement qu’il faudrait pour savoir vraiment faire des jeux vidéo.

Nous n’en sommes qu’au niveau de l’interopérabilité, entre ordinateurs, malheureusement pas encore trop au niveau de la télévision qui reste peu connectée, mais les choses évoluent, avec la télévision sur IP et la XBox qui amènent la collectivité dans son salon.

Steve : Les gens veulent bénéficier de ces médias quand ils le veulent et sur le périphérique de leur choix. C’est ce qui va conduire ces compagnies dans des business models très divers. Et c’est une bonne chose, même si les transitions sont parfois difficiles.

L’industrie de la musique a dû prendre le virage d’Internet très rapidement. Ils ont fait des erreurs, pris des fausses pistes, mais ils le font.

Hollywood a regardé ce qui s’était passé dans le milieu de la musique, et ils en ont retenu des leçons. Il reste beaucoup à faire dans ce domaine, mais ça va devenir quelque chose de très bon pour le consommateur.

Bill (à propos des interfaces utilisateur) : Ca fait longtemps qu’on expérimente autour des interfaces 3D. Mais l’on commence juste à avoir une qualité graphique suffisante pour avoir des choses concrètes dans les interfaces. Dans un magasin en ligne de livres, on pourra voir les livres comme s’ils étaient rangés dans des linéaires.

Au delà de la prouesse graphique, la 3D est un moyen d’organiser les choses, une solution lorsqu’il y a beaucoup de données à afficher.

Le logiciel va aussi se mettre à nous voir. Imaginez que vous puissiez saisir votre raquette de Tennis et simplement jouer devant votre écran.

Journaliste : On peut déjà faire ça avec la Wii, non ?

Bill : Non, je ne parle pas d’un joystick, mais de saisir votre vraie raquette et de simplement jouer. De la reconnaissance vidéo. Et ça peut avoir des conséquences dans une vidéo conférence, par exemple. Tout ceci nécessite simplement une webcam et un software évolué, ce qui aménera à une solution très peu onéreuse.

Le toucher, l’encre, la parole, la vision, toutes ses choses arrivent, mais pas d’une manière radicale. On a l’impression que l’interface d’un ordinateur évolue peu, mais c’est parce que vous vivez cette évolution année après année. Imaginez que vous reveniez après 10 ans sans vous y intéresser, et vous seriez impressionnés.

Journaliste : Steve, vous ne parlez pas de vos plans secrets, alors que Bill nous dit tout !

Steve : Oui, je sais, ce n’est pas juste. Mais au delà de ça, je crois que la vraie question est très simple : quelle partie de cette révolution dans les 5 ans a venir va se faire sur des ordinateurs, et quelle partie va se focaliser sur des engins de type “Post-PC”. Et il y a une vraie tentation de se focaliser sur ces “Post PC” parce que c’est un terrain vierge et qu’il n’y a pas à gérer des millions d’applications déjà en place pour des marchés déjà bien en place.

Bon, du coup, quoi faire avec les PC ? Je suis sûr que des gens chez Microsoft et chez nous travaillons sur des trucs vraiment bons, mais qui doivent être tempérés car nous avons des dizaines de millions, ou des centaines de millions pour Bill, d’utilisateurs qui ont leurs habitudes. Ils ne veulent pas une voiture à 6 roues, ou conduire avec un joystick.

Journaliste : Une question plus personnelle : dans votre relation, qu’est ce qui a été de l’incompréhension, ou de lalutte ?

Steve : Nous gardons notre mariage secret depuis maintenant plus de 10 ans !

Bill : Je ne crois pas que aucun de nous deux n’aie à se plaindre. Ces projets, comme le Mac, étaient vraiment incroyables, un moment où nous avons pris un risque. C’était une période fun.

L’industrie aime les trucs neufs, le paradigme qui dit qu’une compagnie qui a eu du succès va ensuite disparaître, ce genre de choses. C’est bien d’avoir des gens qui ont vu passer des vagues et des vagues, et qui, quand ils le faut, savent prendre des risques vers quelque chose de neuf.

Steve : Quand Bill et moi avons commencé à travailler ensemble, nous étions toujours les gens les plus jeunes dans une pièce. Et maintenant, nous sommes quasiment toujours les plus vieux.

Je crois que la plupart des choses dans la vie trouvent une image dans une chanson de Dylan ou des Beatles. “Toi et moi avons une avons des souvenirs plus grands que la route qui s’étend devant nous”.

Journaliste : Belle conclusion.