Devenir une Silicon Valley

J’avais (péniblement) animé une conférence il y a quelques temps sur le thème : “notre région peut-elle devenir une nouvelle Silicon Valley” ? J’avais déjà une idée sur la question, mais je suis tombé récemment sur un article très intéressant sur le même thème, mais autrement plus pertinente puisqu’écrit par un des habitués de la “valley”.

La conclusion pourrait être que reproduire un tel schéma est impossible. C’est à peu près ce que dit cet article, mais le détail est en fait bien plus intéressant, puisqu’il permet de mieux comprendre ce qui a fait la magie de ce lieu.

Tout n’est pas non plus à prendre au pied de la lettre : chaque pays amène une culture, des particularismes, qui rendent d’autant plus l’exemple photocopiable. Mais ce genre de prise de recul me semble salutaire.

L’article est en anglais, mais il m’a donné envie d’en faire un petit résumé que j’espère complet… Bonne lecture !

How to be Silicon Valley / Comment être Silicon Valley

Peut-on reproduire la Silicon Valley dans un autre pays ?

  • C’est compliqué : même ailleurs aux Etats-Unis, le modèle est difficilement reproductible
  • C’est essentiellement une question d’hommes. On peut créer une ville dynamique partout… à condition de parvenir à y amener les bonnes personnes
  • La vraie question est donc : qui sont les “bonnes personnes”, et comment les amener où on le souhaite ?

Deux types de personnes sont indispensables

  • Des gens riches
  • Des nerds
Il faut impérativement les deux pour qu’une ville devienne une niche à startups :
  • A Miami, il y a des riches mais pas de nerds : ça ne marche pas
  • A Pittsburg, il y a des nerds mais pas de riches : ça ne marche pas non plus

Surtout pas de bureaucrates

Les investisseurs dans des startups sont des riches bien particuliers. Il faut qu’ils aient eux-mêmes une bonne expérience dans le milieu des technologies :

  • ça leur permet de trouver les bons projets
  • ils peuvent apporter le bon réseau, les bonnes connexions
Les gouvernements n’investissent pas directement dans les startups. La différence de culture est bien trop importante pour que ça amène plus d’avantages que d’inconvénients.

Pas de buildings

Il y a bien sûr des buildings dans la Silicon Valley. Mais construire des buildings pour des sociétés de haute technologie ne fera pas de votre lieu une Silicon Valley, car le moment clé pour les startups est AVANT qu’ils aient besoin de locaux.
L’important n’est pas qu’Apple ou Intel aient des bureaux dans la valley. L’important est qu’ils aient commencé leur activité ici.
Tout ce dont on a besoin est de deux ou trois fondateurs assis autour d’une table de cuisine et décidant de fonder une compagnie.

Universités

Tout ce dont vous avez besoin est de GENS. Si vous parvenez à attirer une masse critique de nerds et d’investisseurs, vous réussirez.
Problème : ces deux catégories de personnes sont extrêmement mobiles. Ils vont là où la vie est agréable pour eux. Qu’est ce qui fait qu’un endroit est agréable pour ces personnes ?
Ce que les nerds recherchent est la présence d’autres nerds. Les gens “smarts” vont là où ils trouvent d’autres gens smarts. Et, en particulier, dans de grandes universités. Aux US, pas de concentration de technologies sans des départements informatiques universitaires de première classe.
Pour faire une Silicon Valley, il vous faudra non seulement une université, mais une parmi les mieux cotées dans le monde.
Ca peut paraitre difficile, mais ça ne l’est pas tant que cela. Ce qui attire les professeurs est d’avoir de bons collègues. Si vous prévoyez de recruter, en masse, de très bons jeunes chercheurs, vous pouvez créer une très bonne université en partant de rien.

Saveur

Une université ne suffit pas. Il s’agit juste de la graine qui ne germera que dans une bonne terre.
Pour pouvoir démarrer des startups, votre université devra être située dans une ville qui attirera par d’autres biais que l’université. Cela doit être un endroit
  • où les investisseurs souhaiteront vivre
  • où les étudiants auront envie de rester après leurs études
Qu’est ce que les nerds cherchent dans une destination ? Ils aiment aux US des villes telles que San Francisco, Boston, Seattle. Mais ils apprécient souvent peu des villes pourtant très populaires touristiquement : New York, Los Angeles, Las  Vegas..
Ils partagent souvent les goûts de créatifs, appréciant les villes avec un historique plutôt que des quartiers taillés à la serpe. Ils veulent dans un endroit avec une personnalité, une saveur.
Vous allez sans doute devoir mettre à l’écart le plus grand investisseur : le gouvernement. Un gouvernement qui dit : “comment construire une Silicon Valley” va probablement échouer car la question n’est pas la bonne. On ne construit pas une Silicon valley, on la laisse grandir.

Nerds

Pour attirer des nerds, il faut non seulement une ville avec de la personnalité, mais avec la bonne personnalité.
Les nerds sont un sous-ensemble des “créatifs”, mais avec des goûts parfois différents. Les créatifs sont par exemple souvent attirés par New-York, pas les nerds.
Ils aiment souvent les villes où on “a le sourire”. Ils n’aiment pas le glamour, c’est pourquoi l’attrait de NY leur est mystérieux.
Ils aiment souvent des lieux calmes, préfèrent les cafés aux clubs, les librairies au magasins de vêtements, un lever de soleil plutôt qu’un building.

Jeunesse

Le créateur de startups est le plus souvent jeune. Cela ne signifie pas que la ville doit être jeune également. Mais il sera très difficile de convertir une ville à l’activité séculaire (des cités industrielles comme Detroit par exemple) en berceau à startups.
Les zones à startup sont, sans exception, les villes les plus libérales des US. Là où on tolère les idées bizarres.

Temps

Il a fallu du temps pour que la Silicon Valley devienne ce qu’elle est (les premiers transistors “puce” datent des années 50).
Une université peut se créer en quelques années, mais l’écosystème des startups se doit de grossir par lui-même, de manière organique.

Compétition

Si vous parvenez à créer votre Silicon Valley, elle rentrera en compétition… avec la Silicon Valley.
Les investisseurs préfèrent investir dans une zone géographique proche. C’est ce qui rend difficile le fait de recréer le phénomène ailleurs.

Pour en savoir plus : un témoignage récent assez intéressant d’un frenchy en visite dans la Valley.