L’effet buzz d’Apple tourne vraiment à plein, et dans des proportions très surprenantes. Je me suis fait la réflexion hier que le phénomène dépassait vraiment tout le monde, en voyant que des médias “classiques” préparaient pour ce soir une couverture de la keynote de Jobs, alors que toutes les années d’avant, on se retrouvait simplement entre macophiles à suivre le live sur MacGé ou Macbidouille…
Et pourtant… même les fans les plus accros se doivent de garder les yeux ouverts…
Champ de distortion de la réalité
Ce terme a été inventé pour Steve Jobs : sa capacité à transporter ses auditeurs est impressionnante, et il n’y a pas plus doué que lui pour amener les gens sur son terrain ; on se souvient de l’anecdote du dirigeant d’AT&T qui avait signé un contrat d’exclusivité sur le futur iPhone… sans jamais avoir vu le produit !
Le contrecoup de cet effet peut être violent : derrière l’effet extrêmement persuasif de Jobs, peuvent se cacher le meilleur comme le pire. Il ne faut jamais oublier qu’il est loin d’avoir eu tout le temps raison (cf plus loin).
L’effet déceptif des keynotes
A part peut être la keynote de présentation de l’iPhone (et encore…), je n’ai jamais connu de keynote sans déception à la fin. Quelque soit la qualité des produits, trop se “shooter” aux rumeurs amène forcément à espérer des fonctionnalités qui n’arrivent pas. Imaginer une tablette avec un ‘dos’ tactile, ou commandable à la voix, ou avec la puissance d’un ordinateur, serait très probablement extrêmement déceptif.
Les rumeurs peuvent être à côté de la plaque
Comme dit au dessus, jamais une keynote n’a été précédée d’autant de buzz. L’occasion idéale de lancer des rumeurs, même les plus infondées. N’oublions pas non plus qu’Apple est passé maître en l’art de lancer de fausses rumeurs pour brouiller les pistes.
Même si beaucoup de choses convergent aujourd’hui du côté des news autour de cette tablette, même si l’on dispose d’indicateurs relativement fiables (ne serait-ce que les possibilités techniques, en terme de taille d’écran par exemple), il ne faut jamais oublier qu’on parle ici d’un produit qui n’a même pas été annoncé ! Je ne pense pas qu’on puisse s’attendre à une keynote qui annonce tout autre chose qu’une tablette (ça serait une énorme surprise, et Apple n’aurait pas pris le risque de laisser autant amplifier une rumeur fausse), mais on ne sait concrétement strictement rien sur ce futur produit…
Jobs s’est planté, comme tout le monde
Vous vous souvenez du NeXT ? Un ordinateur révolutionnaire, extraordinaire sur le papier. Résultat, un plantage commercial complet, même s’il a au moins permis de définir les bases saines du Mac OSX d’aujourd’hui.
Plus près de nous, l’iMac Cube n’a jamais dépassé un succès d’estime. Et l’AppleTV est resté confidentielle malgré trois années d’exploitation.
Beaucoup, analystes comme journalistes, se mordent aujourd’hui les doigts d’avoir sous-estimé le raz de marée de l’iPhone. Et ne veulent surtout pas louper ce ‘train’ là. Et si cette crainte les faisaient passer en mode ‘sur-estimation’ du projet ?
Il n’y a pas encore de marché pour les tablettes tactiles
Même si certains prototypes ont été lancé plus ou moins confidentiellement sur le marché, même si le terrain se prépare depuis des années (qui se souvent de ‘Windows for Pen’ qui existait… pour Windows 3.1 ?), il ne faut pas oublier que le marché pour des tablettes tactiles grand public est aujourd’hui complètement inexistant !
Cela fait longtemps qu’Apple part explorer des terrains quasi vierges. La dernière fois, c’était le Newton, et ce fût un échec, même s’il a permis d’ouvrir la voie à d’autres produits plus matures. La fois d’avant, c’était le Mac, le premier ordinateur grand public doté d’une interface tactile, et le succès fût long à venir (plusieurs années, carrément plus de 10 ans si l’on considère que l’iMac fût le premier Mac a vraiment atteindre massivement le grand public).
En d’autres termes : bien malin qui peut dire que le marché existera un jour. Mais l’expérience montre que le chemin est souvent long pour défricher un marché naissant, et que le premier produit est rarement celui qui propose une solution 100% adaptée à la cible potentielle.
Le besoin existe t’il ?
Je me posais la question en lisant cet article de Michel de Guilhermier : une tablette a t’elle sa place dans le quotidien de tout à chacun ? Michel présente une situation où une tablette trouverait naturellement sa place, devant la TV, le soir, en famille. J’espère que d’autres besoins seront au programme !
Quand j’ai besoin de travailler confortablement, je peux utiliser un iMac 21 ou 27 pouces. Quand je dois me balader, j’ai mon MacBook. Quand je suis vraiment en situation de mobilité, j’ai mon iPhone. Dans quel cas aurais-je besoin d’une tablette et de pas autre chose ?
N’interprétez pas ces mots pour plus forts qu’ils ne le sont : je suis le premier a attendre impatiemment ce produit. Mais le côté “fait rêver” d’Apple ne doit pas nous faire oublier de poser les questions de base. Et, à part peut être Jobs ce soir, personne n’a une réponse crédible aujourd’hui à cette question du besoin d’une tablette au quotidien.
L’offre logicielle va t’elle suivre ?
Même l’iPhone a mis du temps a vraiment décoller. La première version du téléphone était trop chère, et surtout… trop pauvre en offre logicielle. On a du mal a s’en souvenir maintenant, mais la première année de vie de l’iPhone restait un peu triste par rapport à l’offre immense de l’AppStore aujourd’hui.
Et il ne faut pas oublier non plus qu’une conception software est toujours plus longue qu’un bon hardware. En s’accrochant au culte du secret, Apple garde ainsi une avance déterminante sur ses concurrents. Mais elle laisse aussi à distance ses propres développeurs, qui ne peuvent pas anticiper le marché en bossant sur des versions “beta”.
Quid du marché Français ?
Il y a fort à parier qu’une bonne partie de la crédibilité de l’offre va passer par son “écosystème” : la possibilité de commander en un clic une vidéo, un livre… Mais cela sera t’il le cas en France ?
Les utilisateurs d’AppleTV savent bien de quoi je parle : la plateforme de vente de vidéo par iTunes existe depuis maintenant 3 ans, et pourtant, l’offre en France est indigente : aucun film, quelques séries pas forcément parmi les plus récentes… Vendre de la musique était ‘simple’, mais, pour les vidéos, la barrière de la langue est beaucoup plus complexe à gérer. Et je ne parle pas des livres ou des revues.
En d’autres termes : il faut clairement s’attendre à une offre alléchante…mais également s’armer de patience pour qu’elle soit intéressante sur le marché Français.
Vivement ce soir !
Ne gâchons tout de même pas notre plaisir : ce qu’on risque de voir présenté ce soir va très probablement ouvrir des perspectives excitantes, que ce soit en tant qu’utilisateur, ou en tant que prestataire de services informatiques. A demain pour une analyse de tout cela !